Application de l’analyse du discours à l’identification des enjeux de performance
Le concept d’enjeu de performance est issu du désir de représenter les défis qui se posent à la délibération autour d’un problème environnemental. Cette notion peut se définir comme « les termes dans lesquels les conflits pour l’accès à des fonctions environnementales rares sont exprimés et résolus (problèmes de justification, de pouvoir et de coordination entre les communautés) »
Pour l’identification des enjeux de performance, nous avons analysé les arguments des acteurs au nom des critères de performance de l’une ou de l’autre des quatre dimensions, ou de leurs interactions. Nous distinguons ainsi deux niveaux de l’analyse qui mobilisent le cadre proposé par O’Connor (2007a) :
· la mise en évidence des enjeux de performance(par analyse du discours)
· la structuration de la connaissance disponible dans le cadre DPSIR tétraédrique (analyse des systèmes).
L’identification des enjeux de performancea une base sociologique. Il s’agit d’identifier les préoccupations et les intérêts des acteurs associés aux changements de biodiversité étudiés. L’analyse des discours met en lumière les mécanismes qui façonnent la définition du problème et les réponses qui lui sont données.
Même s’ils ne partagent pas une seule définition, les analystes du discours sont d’accord pour dire que le discours est une forme de langage qui doit être utilisée dans son contexte (« qui utilise le langage », « comment », « pour quoi » et « quand » (Brown et Yule, 1983, Van Dijk, 1996, 1997a, Phillips et Hardy, 2002). Plusieurs méthodes d’analyse de discours peuvent être mobilisées pour la compréhension des enjeux. Ainsi, l’analyse critique du discours (ACD) concerne « les éléments de l’interaction sociale réelle et souvent élargie qui prennent une forme linguistique, ou partiellement linguistique » (Fairclough et Wodak, 1997, pp. 258). L’ACD considère le discours comme une forme de « pratique sociale », dont la description implique des considérations sur une relation mutuelle : non seulement le discours est façonné par les situations, les institutions, et les structures sociales, mais il les influence aussi à son tour. En d’autres termes, le discours est une partie constituante des identités sociales et des relations entre les êtres humains et les groupes sociaux, mais contribue aussi à leur changement (Fairclough et Wodak, 1997, pp. 258).
Selon Van Dijk (1997a, 1997b), les utilisateurs du langage engagés dans des discours accomplissent des actes sociaux et participent à des interactions sociales. La charge idéologique des modes particulières d’utiliser le langage et les relations de pouvoir qui leur sont sous-jacentes peuvent être peu claires (e.g., quand le discours porte sur des résultats scientifiques dont la compréhension et l’évaluation comparative demandent un haut niveau de compétence et un montant significatif de temps). Pour cette raison, l’ACD se propose de rendre plus visibles ces aspects opaques du discours.
Une autre méthode, l’analyse argumentative du discours (AAD) (Majone, 1989, Fischer et Forester, 1993, Hajer, 1995), combine l’analyse de la « production discursive de la réalité » avec l’analyse des pratiques sociopolitiques qui leur sont associées, et dans lesquels les acteurs sont engagés.
Notre hypothèse pour l’utilisation de l’analyse du discours est que les constructions épistémologiques spécifiques au groupe guident les interactions entre les acteurs. Le rôle des images du monde créées par le discours sont (volontairement ou non) stratégiques, dans le sens qu’elles « définissent » la réalité en accord avec leurs propres préoccupations et intérêts. En retour, la réalité construite agit sur la réalité elle-même (la structure et le fonctionnement des systèmes et de leurs relations).